Bonjour à toutes et tous,
Je vous livre aujourd'hui l'épisode 5 de la première saison de ma série littéraire.
Ici, on rentre dans le cœur de l'intrigue, en espérant que les premières explications de ce build-up monté pendant 4 épisodes vous plaisent !
Le 6ème et dernier épisode de cette saison et d'ores et déjà terminé. Il me reste toutefois l'étape des corrections, ce qui me permettra de vous laisser un peu de répit entre les deux plus gros morceaux de cette saison. Car, vous l'aurez remarqué, le nombre de mots de chaque épisode n'a fait qu'augmenter, et les deux derniers n'échappent pas à la règle, bien au contraire !
Bref, je vous remets les liens des épisodes précédents ici, sait-on jamais :
(Même si vous les retrouverez tous au même endroit si vous cliquez sur le menu "Série Littéraire" dans le bandeau du site.)
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture de cet avant-dernier épisode de cette première saison.
Be seeing you.
Number 6
« — Les autres ? Sujet 17 ? C’est quoi ces histoires ? Où est-ce que vous m’emmenez ? »
Clang.
Le claquement de la porte en métal entendue précédemment vient interrompre mes interrogations. Après quelques secondes, je sens que quelqu’un se tient près de moi, dans mon angle mort. Sous la supervision d’Ibrahim, il desserre à peine mes liens pour pouvoir me désolidariser d’avec la chaise qui me supportait jusqu’à présent. Je n’ai pas le temps de tenter quoi que ce soit. Dès l’assise écartée, mes entraves sont nouées à nouveau, et avec une rigueur qui cette fois-ci blesse mes poignets.
Il me recouvre les yeux d’un bandeau noir épais, m’empêchant de voir quoi que ce soit. Seules quelques taches de lumière arrivent à percer le tissu. Ils ne veulent définitivement pas que je sache où je me trouve actuellement.
« — Avance, 17 ! » dit-il en me poussant.
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire de sujet 17, bordel ? »
Je titube, et cherche tant bien que mal à me rapprocher d’un mur pour obtenir un repère dans l’espace et ne pas me casser la figure en moins de dix secondes. Mon accompagnateur m’empoigne le bras, et je sens à son étreinte qu’il va m’aider. Mais pas de la manière dont on accompagne une personne non voyante, avec douceur et bienveillance. Plutôt de la manière dont on balance dans la cellule du poste un suspect qu’on vient de choper la main dans le sac le temps de s’occuper de l’administratif lié à son admission. J’entends la porte en fer s’ouvrir à nouveau.
« — Bouge ! »
On me pousse et je l’entends se fermer encore une fois, dans mon dos cette fois-ci.
Je suis trimballé de pièce en pièce, de couloir en couloir. Nous ne rencontrons pas âme qui vive. Ou alors les seules personnes que nous croisons sont des ninjas muets, experts dans l’art de la discrétion.
J’essaie de dresser dans ma tête une carte du trajet qu’il me fait prendre, mais au bout de quelques minutes, à cause de trop nombreux tours et détours forcés, je perds le fil et décide d’abandonner l’idée. De plus, l’image du corps inanimé de Chris me hante. Depuis que mon interrogatoire a cessé, mon cerveau a tout le temps qu’il veut pour faire une fixette sur cette dernière vision d’horreur avant que je ne me fasse assommer puis enlever.
Je ne sais pas combien de minutes s’écoulent à partir de là, mais mon accompagnateur finit par m’arrêter d’un geste brusque.
« — Terminus. »
Mon bandeau m’est arraché d’un geste sec et une lumière vive me rend temporairement aveugle. J’entends le son d’une serrure qu’on déverrouille, suivi par celui d’une porte qu’on ouvre. Puis celui d’un talkie-walkie duquel sort une voix que je ne reconnais pas.
« — Ramène-toi vite, on part chercher le suivant tout de suite, les boss en ont plein l’dos et sont sur les nerfs.
— Je bazarde celui-là et j’arrive. »
La communication s’arrête, le silence reprend ses droits.
« — Bon séjour dans la salle des miroirs, 17. » dit-il en ricanant.
Cette phrase atteint mes oreilles puis mon cerveau au moment où je suis projeté en avant. Je tombe lourdement au sol, et entends le clang suivi des deux clac clac, signes d’un enfermement à double tour.
Une fois le choc de la chute encaissé, je me rends compte que l’éclairage dans cette pièce est bien moins agressif que celui de l’extérieur. C’est une lumière rouge, du même ton que celles utilisées dans les films pour signifier qu’une alerte est en cours, l’aspect clignotant en moins. Cette douceur visuelle fait du bien, même si mon inconscient sait qu’en général, rouge égal danger.
La salle dans laquelle je me trouve à l’air vaste. Mais il m’est difficile d’en déduire réellement sa taille, car cette fameuse lumière vient de spots muraux placés à des endroits précis, permettant à beaucoup de zones d’obscurité totale d’exister.
Près de moi se dresse un bureau, au premier abord identique à celui derrière lequel mon interrogateur se trouvait quelques minutes auparavant, mais de couleur rouge. Toutefois, une différence majeure me saute très rapidement aux yeux. La présence d’une forme entièrement recouverte d’un tissu rouge lui aussi parsemé de taches noires. Forme que j’ai déjà eu l’occasion de voir dans le cadre de mon boulot. C’est un corps, là-dessous.
L’image de Chris s’impose instantanément dans ma tête, et je me relève tant bien que mal pour me diriger vers le tissu. À cause de l’éclairage, tout parait rouge dans cette salle, mais mon esprit de flic déduit que les taches noires visibles sont des éclaboussures de sang.
Toujours coincé dans mes entraves, je me déplace péniblement jusqu’au bureau et tente de lever le mystère qui se tient juste sous mes yeux. Je redoute de plus en plus le moment où j’aurais réussi à découvrir qui se trouve allongé sur ce bureau. Mon cœur est prêt à exploser alors que je lutte pour retirer ce linceul macabre.
Soudain, le tissu glisse. Le masque tombe. Son visage se dévoile.
« — Mais… »
Je n’en crois pas mes yeux. Mon cœur s’arrête. D’un point de vue extérieur, ma mâchoire inférieure doit probablement toucher le sol.
« — Putain, mais… mais c’est moi ?! »
À l’exception d’une plus grande longueur de ses cheveux et de sa barbe, ce mec est mon portrait craché, trait pour trait. Après quelques secondes qui me paraissent interminables durant lesquelles mes yeux scrutent le moindre détail de son visage, l’instinct et la peur me font reculer. J’oublie toutefois l’existence des liens qui enserrent mes pieds et me retrouve sur les fesses. Je m’éloigne en remuant mes jambes comme je le peux jusqu’à être adossé à la paroi derrière moi.
« — C’est pas possible. C’est pas possible. C’est pas possible. »
Je suis un disque rayé. Je ne comprends pas ce que je viens de voir. Je n’ai pas de frères, encore moins jumeaux. Et la ressemblance est bien trop parfaite pour que ce soit un simple sosie.
L’enchaînement des évènements, le coup reçu, toutes les incompréhensions liées à ma situation me donnent soudainement le vertige et, le dos appuyé contre le mur, je perds à nouveau conscience.
À mon réveil, une forte sensation de fatigue s’abat immédiatement sur moi. La lumière rouge qui s’infiltre dans ma rétine me rappelle le contexte dans lequel j’ai perdu connaissance quelques minutes plus tôt. À moins que ce ne soit quelques heures plus tôt ?
Je me redresse avec difficulté et me rends compte que je ne suis plus attaché. Mes poignets me font mal, mais seules les marques laissées par les liens trop serrés sont encore visibles. Le bracelet fait par Lili n’a pas aimé la présence de mes entraves. Mais il est bien là. Il tient bon. Comme moi.
« — Les gars, j’crois que 17 est réveillé. »
Je me retourne dans la direction de laquelle provient cette voix à la fois étrangère, mais si familière. Et me retrouve face à moi-même. Trait pour trait. Hormis une fois de plus une nette différence de longueur de pilosité.
Me pensant face à un drôle de miroir, j’ai le réflexe de lever la main droite pour vérifier ce que fait mon reflet. Sauf qu’il ne fait rien en retour. Enfin si, il sourit.
« — T’es le troisième à me faire le coup du miroir ! »
Cette voix. J’ai l’exacte même sensation que lorsque l’on entend un enregistrement vocal de soi. Si identique, et pourtant si étrangère.
« — Votre voix. Votre visage. Mais qui vous êtes ? Et pourquoi on est pareils ? »
Mon double me tend la main et me dit sur un ton de bienséance exagéré :
« — Moi c’est Philippe Bishop, enchanté de faire ta connaissance. Et toi ? »
Il se met à glousser, et j’entends des gloussements similaires alentour. Des gloussements similaires au sien. Similaires à celui que je fais quand je suis fier de la mauvaise vanne que je viens de sortir. Mon gloussement.
S’avancent alors vers moi trois autres personnes. Trois nouvelles versions de moi-même. Elles aussi quasi identiques. Ou en tout cas, s’il y a d’autres différences, la lumière rouge ambiançant la pièce n’aide en rien à les détecter.
« — T’es con, 10. Arrête de l’enquiquiner, tu te souviens de ta réaction quand c’est toi qui étais à sa place ?
— T’as raison, 6. Désolé… Mais c’était trop tentant. »
Dans ma tête, tout n’est qu’incompréhension. Comment c’est possible ? J’ai face à moi quatre personnes qui sont en fait mon propre reflet. Et d’un coup, la dernière phrase que j’ai entendue avant qu’on ne me pousse dans cette pièce prend tout son sens. « Bienvenue dans la salle des miroirs. » Putain.
Je me souviens soudain du corps que j’ai examiné juste avant de perdre connaissance et qui lui aussi me ressemblait comme deux gouttes d’eau. L’aspect « décédé » en plus. Les yeux grands ouverts, je cherche le bureau sur lequel mon homologue moins chanceux repose, et l’aperçoit un peu plus loin dans la salle. Un de mes « jumeaux » suit mon regard.
« — Ah oui… Lui c’est 13… Ce nombre ne lui aura pas porté chance… Moi c’est 6. Et là c’est 10, 12 et enfin 16, ton prédécesseur. »
Celui qu’on vient d’appeler 16 se rapproche pour me serrer la main. Une main pleine de cicatrices. On dirait des marques… d’agrafes ? Contrairement aux autres, son visage est couvert de blessures. Il a dû passer un sale quart d’heure…
« — Salut. »
Je lui serre la main, et à la vision du bracelet offert par Lili, il se fige. Je vois son regard ne plus arriver à se décrocher de mon poignet, puis il tourne la tête et essuie d’un geste rapide ce que je pense être des larmes. Mes entrailles se nouent.
« — Mais… vous êtes tous… moi ? Des clones de moi ? Ça existe en vrai les clones ? On est pas jumeaux quand même ? Comment c’est possible ? Je suis certain d’être fils unique !
— Ah tiens, une différence avec moi ! » s’exclame celui qui a été nommé 10.
6 prend alors la parole.
« — T’en fais pas, on est ni tes jumeaux, maléfiques ou pas, ni tes clones, ni encore moins tes reflets. On est juste d’autres versions de toi.
— Comme des versions de moi provenant d’univers parallèles tu veux dire ?
— Ouais, effectivement. Et on a tous été rapatriés ici pour la même raison : une autre version d’entre nous, qu’on appellera “0” parce que si on l’appelle “Philippe” t’es d’accord avec moi qu’on y comprendra plus rien, a fait beaucoup de tort à cette fameuse Organisation dont ils t’ont peut-être parlé, et qu’ils cherchent à l’arrêter à tout prix.
— Ouais, Ibrahim l’a rapidement évoquée.
— Ibrahim ? C’est le gars qui nous a interrogés ? Personne n’avait encore su son prénom.
— Oui, enfin une des versions de lui, je suppose…
— Non, pas lui. Lui c’est le même. On l’a tous rencontré, et ici il n’y en a qu’un seul comme lui, on en est certain. »
J’essaie d’emmagasiner toutes ces informations, plus improbables les unes que les autres. Je force mon instinct de flic à reprendre le dessus pour analyser tout ça sans me heurter à la barrière totalement légitime de mon cerveau qui veut me faire hurler « MAIS QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BORDEL !? ».
« — Comment vous avez appris tout ça ? »
16 répond avant les autres.
« — Comme tu peux le voir, j’ai douillé. Ils se sont mis sur moi en mode “Fight Club”, mais sans respecter la règle du un contre un.
— Euh, OK… J’ai jamais vu Fight Club, mais OK. », je lâche.
Mon interlocuteur se fige.
« — Tu te fous d’ma gueule ? C’est pas ton film préféré ?
— Non. Moi c’est “Piège de cristal”. “Die Hard”. John McClane. Me dis pas que ça n’existe pas chez vous ?
— Pas le quatrième ! » répondent mes homologues presque tous en cœur, suivi d’une chorale des fameux gloussements, à laquelle je me joins volontiers.
16 s’impose à nouveau dans la conversation.
« — Bref, ils m’ont gardé plus longtemps, m’ont interrogé plus longtemps… M’ont torturé plus longtemps, aussi. » Il marque une courte pause, pleine de sens.
« — Mais celui que tu as appelé Ibrahim a fini par révéler des informations. Je pense, enfin nous pensons tous, que je suis celui qui se rapproche le plus du “Philippe 0” qu’ils recherchent, et qu’ils étaient persuadés avoir chopé le bon. Ils se sont finalement rendu compte que non, m’ont mis là avec les autres et sont partis récupérer le suivant. Toi, à priori. Ceux d’entre nous encore en vie avons échangé les informations que nous avions glanées durant notre séjour ici, ainsi que l’affaire sur laquelle nous bossions et qui a l’air d’être liée au business de l’Organisation.
— T’es en train de me raconter qu’on enquêtait tous sur les trocs étranges des frères Reise ?
— Exactement ! D’ailleurs, dis-moi, c’est un tuyau anonyme qui t’a fait te retrouver parmi nous ?
— C’est ce qu’a expliqué le Capitaine Lahab en tout cas en nous donnant cette info le matin même.
— Comme nous tous, donc. »
Une nouvelle courte pause nous laisse tous pensifs. C’est moi qui finis par rompre le silence.
« — Du coup, ce tuyau anonyme, c’est quelqu’un de l’Organisation qui l’a filé pour pouvoir nous choper et nous questionner ? Ou c’est “Philippe 0” qui brouille les pistes pour que personne ne le retrouve ?
— Si c’est ça, ça voudrait dire qu’il a trouvé un moyen de se balader dans chacune de nos réalités ! »
Je m’arrête quelques instants et prends un peu de recul.
« — Comment je peux arriver à parler de réalités parallèles aussi sérieusement que ça ?
— Peut-être parce que t’es en train de taper la discute à quatre autres versions identiques de toi ? » me rétorque 10 avec un grand sourire, que j’imite malgré moi.
Toutefois, je m’apprête à poser une question à propos d’un sujet pour lequel je sais d’avance que les réponses ne vont pas me plaire.
« — Sinon, quelqu’un sait où on se trouve et comment on se barre de là ? »
Contre toute attente, c’est 12 qui prend enfin la parole.
« — Les seuls endroits que nous connaissons de ce lieu sont les suivants : la salle de torture, la salle d’interrogatoire, une ou plusieurs cellules isolées, des couloirs à n’en plus finir que nous n’avons jamais réellement vus et puis ici, la salle des miroirs… La salle rouge.
— Ouais… Je m’en doutais un peu… À vous aussi on vous a bandé les yeux quand on vous a trimballé ?
— Quand ils ne m’avaient pas juste mis K.O., oui… » répond difficilement 16 pendant que les autres acquiescent en silence.
« — Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dans ce complexe à la con pour qu’ils ne veuillent absolument pas qu’on le sache ?
— Un moyen de sortie, je pense. » réplique 6 de manière très pragmatique.
C’est quand même très perturbant de se retrouver face à plusieurs versions de soi-même si similaires. Ça m’en file presque le tournis. Et pourtant, au fur et à mesure que la conversation évolue, je me rends compte que chacun possède un caractère dominant différent.
6 est le plus logique, le plus calme de tous. C’est peut-être dû au fait qu’il doit être celui qui est ici depuis le plus longtemps, au vu de son apparence quasi néanderthalienne niveau pelage.
10 est celui qui dédramatise et détend l’atmosphère grâce à l’humour.
12 est le plus introverti, celui qui analyse et fait des listes.
13 est… bon… mort.
16 est celui qui a le plus souffert, et à priori pas seulement dans ce complexe. Il est le plus abîmé d’entre nous.
Je me rends compte que je me retrouve dans chacun de ces traits de caractère. Je ne saurais pas dire lequel est prédominant chez moi, mais à un moment donné je pourrais être n’importe lequel des gars que j’ai en face de moi.
J’interromps ces pensées qui n’arrêtent pas de m’asticoter alors que j’ai clairement une situation plus urgente à gérer, et les relance sur le second point.
« — Vous avez déjà essayé de vous échapper, je suppose ? »
6 est le plus rapide à répondre.
« — Oui, comme tu t’en doutes. On a trouvé aucun moyen de sortir d’ici hormis cette porte qu’on arrive pas à forcer.
— On a beau être plusieurs, on est quand même pas des superhéros, lâche 10.
— Et même si nous avons des connaissances qui se complètent, elles sont toutefois majoritairement similaires, enchaîne 12. »
6 redirige le fil de la conversation.
« — Le problème c’est qu’à chaque fois qu’un nouveau Philippe débarque, ou qu’ils en prennent puis ramènent un de nous après un interrogatoire, ils balancent un gaz par la ventilation qui nous met KO pour que le gorille soit tranquille au moment où il ouvre la porte.
« — C’est très probable, reprend 6. D’ailleurs, on était tous KO avant ton arrivée. »
Je me demande bien dans quoi on s’est tous foutus pour faire face à une entité avec de tels moyens. Je n’aurais jamais pensé ce satané matin qu’en planifiant l’opération pour choper les frères Reise je mettrais les pieds dans une situation aussi irréaliste que celle-ci. Je suis en train de parler avec des versions alternatives de moi-même. Rien que l’évocation de ce fait dans ma tête sonne comme un roman de science-fiction et pourtant, je ne peux absolument pas nier ce que j’ai devant moi.
Quel. Bordel.
« — Et 13 alors, il lui est arrivé quoi ? »
Tous détournent le regard dès que ma phrase se termine. Je reconnais ce regard fuyant. C’est le mien. Celui que j’utilise malgré moi quand j’ai honte. Celui que j’arbore involontairement quand je me sens coupable.
« — Me dites pas que c’est vous qui… »
16 recule d’un pas, pendant que 6, 10 et 12 se jettent des regards pour savoir qui va répondre. C’est évidemment 6 qui s’en charge.
« — Non… enfin si, mais pas directement… On a tenté une fois de se protéger comme on a pu du gaz pour ne pas sombrer, et lorsque la porte s’est ouverte pour le retour de 16 post-interrogatoire on était encore à peu près frais pour attaquer le geôlier.
— Sauf qu’on s’est salement fait démonter. C’est un putain de combattant MMA ce mec… » dit nerveusement 10.
« — Effectivement, on s’est fait maitriser très rapidement. Malgré notre nombre, il est meilleur que nous. En plus, le gaz nous avait aussi bien ramollis…
— 13 a été exécuté et laissé là. Pour l’exemple. Pour rappel de ce qui nous attend si nous tentons encore quelque chose dans le genre. » coupe froidement 12.
Je déglutis. Un lourd silence s’installe alors. Je réalise que je ne sais absolument pas comment on va sortir d’ici. Je ne sais même pas où on est. Merde, au vu de ce que je viens d’apprendre, je ne sais même pas dans quel « univers » on est ! La panique me ronge petit à petit, et je sens que les autres pensent la même chose, sauf qu’ils ont eu plus de temps pour s’y faire, pour accepter la situation, aussi farfelue soit-elle.
Ce silence s’éternise. Chacun est perdu dans ses pensées. Je n’arrive pas à réfléchir correctement, il y a bien trop d’informations à gérer. Je vois mes doubles tourner en rond, et en viens à me demander quelles autres différences il peut bien y avoir entre nous. Entre nos vies respectives. Et aussi stupide que cela puisse paraitre, je crève d’envie de lancer un petit questionnaire sur Philippe Bishop pour avoir quelques réponses à ces interrogations pour le moment futiles mais indispensables pour mon cerveau épuisé.
Et d’un coup, une question évidente me brûle tellement les lèvres qu’elle sort d’elle-même.
« — Et les autres numéros… Ils sont où ? »
Mais au moment où je prononce cette phrase, du bruit au niveau de la porte se fait entendre. Tout le monde se retourne vers la source du son, puis des cliquetis frénétiques de serrure retentissent.
« — Quoi ? Ils nous ramènent déjà 18, lâche instinctivement 10.
— Impossible, ils ne nous ont pas gazés, ils ne prendraient pas un tel risque. Planquez-vous, TOUT DE SUITE ! ».
6 a raison. Je vois 16 et 12 clairement s’éloigner de la porte et se fondre dans un recoin sombre du fond de la pièce, près de toilettes que je n’avais pas encore eu le temps de remarquer. 10 se jette sous un bureau comme s’il tournait une scène d’action des Expendables. 6 a repéré la cachette optimale, celle qu’il a dû repérer depuis bien longtemps. Quant à moi, je me place le long du mur tout près de la sortie providentielle. 6 me fait les gros yeux, mais je m’en tape. Si jamais cet enfoiré passe la porte, champion de MMA ou pas, j’arriverais bien à gagner du temps en comptant sur l’effet de surprise pour qu’on puisse tenter quelque chose tous les cinq.
Les secondes passées contre ce mur ressemblent à des minutes. Le cœur au bord de la rupture, je ressens mes tempes battre en rythme avec mon palpitant. La poussée d’adrénaline me fait me sentir comme une cocotte-minute au bord de l’explosion.
« Allez allez allez allez allez, vas-y rentre, rentre putain ! »
Mais plus j’attends, plus je me rends compte que tout cela prend trop de temps. Les bruits métalliques continuent de se faire entendre, mais la serrure ne se déverrouille pas. La porte reste close, et personne ne rentre.
Tout à coup, la serrure cède enfin et tout son cesse. Je retiens ma respiration lorsque je vois la porte s’entrouvrir. J’aperçois un bout de la silhouette de notre visiteur et décide d’attaquer sans plus attendre, lorsque je me retrouve face à face avec un visage qui m’est extrêmement familier, ce qui me coupe complètement dans mon élan.
« — C… Chris ? »
Pour la suite, cliquez sur le lien : S01E06 - Trois choix
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