Bonjour à vous, lectrices et lecteurs.
Tout d'abord, juste un petit mot pour vous dire que la très talentueuse Theresa TOBSCHALL m'a fait l'honneur de dessiner la nouvelle superbe illustration faisant dorénavant office de bannière du site. Elle représente Votre Serviteur, Number 6, aux prises avec le monstre m'empêchant de m'échapper du Village !
Vous pourrez découvrir son talent exposé sur ArtStation en cliquant ICIIIIII, ou sur son compte Instagram : @theresatobschall !
Pour en revenir à nos moutons, la sortie du post d’aujourd’hui est un petit évènement sur mon blog. Car comme vous le voyez au titre de cet article, c’est enfin la parution du tant attendu (non) épisode 3 de ma série littéraire !
Autant vous dire que reprendre l’histoire là où je l’avais arrêtée après autant de temps s’est révélé impossible. Surtout que mes notes rédigées à l’époque sur le scénario dans son entier ont été perdues en chemin.
Mais qu’à cela ne tienne, j’ai repris ce que j’avais rédigé dans les deux premiers épisodes déjà publiés, et suis reparti de cette base pour écrire un autre destin à notre Philippe Bishop.
C’est ainsi que l’épisode 3 qui suit ces lignes est né.
Pour information, cette première saison devrait se composer en tout de 6 épisodes. Le quatrième est quasiment terminé, et je vais entreprendre l’écriture du cinquième « incessamment sous peu » comme certains disent.
Je prendrais le temps dont j’aurais besoin pour écrire et sortir les épisodes suivants, en les entrecoupant de posts plus classiques pour celles et ceux qui ne sont pas fans de romans.
Je vous remets ci-dessous les liens des épisodes 1 et 2, que je vous conseille fortement de lire si vous ne les connaissez pas, ou de les relire si vous les aviez déjà lus par le passé, avant de vous attaquer à la lecture de cet épisode 3 qui s’intitule « Yippee ki yay, motherf*cker », référence cinématographique de ma jeunesse.
S01E01 : Je déteste l'allemand...
N’hésitez pas à revenir vers moi pour tout commentaire, remarque, avis ou autre concernant ce nouvel épisode !
Bonne lecture !
Be seeing you.
Number 6
La porte de la salle de repos du commissariat s’entrouvre brusquement et laisse passer la voix puissante et autoritaire du Capitaine Lahab.
« — Bishop, Medina, dans mon bureau. » Courte pause. « Tout d’suite. »
Philippe, la cafetière pleine de café bouillant encore à la main, n’a même pas eu le temps de servir à sa coéquipière et lui-même la dose d’énergie vitale pour pouvoir commencer à fonctionner correctement en ce jeudi matin.
« — À vos ordres, capitaine », rétorque immédiatement le brigadier-chef Christelle « Chris » Medina, sur le ton protocolaire qu’elle a appris à l’académie et duquel elle n’a jamais su se défaire. Hormis peut-être avec Philippe. Et encore, pas tout le temps.
Philippe repose à contrecœur la cafetière en même temps que la porte se ferme, plongeant ses yeux bouffis dans le fond vide de sa tasse « Yippee-ki-yay, motherf*cker ! ».
« — Y a eu combien de secondes de pause avant son injonction finale, cette fois-ci ? » demande Philippe, au bord de la dépression.
« — Trop, Major. C’est pas bon signe…
— Cette journée commence vraiment mal… »
Philippe et Chris travaillent ensemble depuis quasiment un an maintenant. Et même si la situation est bien différente aujourd’hui, leur premier contact ne fut pourtant pas des plus simples.
« — Major Bishop, je vous présente votre nouveau partenaire : Brigadier-chef Chris Medina.
— Enchantée, Major.
— Mais vous êtes une femme ? »
Philippe s’était gentiment fait avoir par ses collègues qui lui avaient vanté les mérites et faits d’armes du brigadier-chef Christophe « Chris » Medina, d’où sa surprise sans filtre aucun lors de leur premier face à face.
Il lui aura fallu quelques jours d’explications, d’excuses et de vengeance auprès de ceux qui l’avaient piégé pour que la situation se détende enfin entre les nouveaux coéquipiers.
Après ce quiproquo, toujours célèbre et régulièrement raconté autour d’un café dans le réfectoire de leur commissariat — et probablement de ceux voisins aussi, leur professionnalisme respectif leur a permis de travailler ensemble de manière efficace, et leurs personnalités s’apprivoisèrent. Ils finirent même par s’apprécier. Ils savent qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre, et ce malgré leurs différences de méthodes de travail.
Le duo s’approche de la porte portant la plaque du Capitaine Kelyan Lahab. Medina toque trois fois.
« — C’est pas trop tôt. Entrez », hurle le Capitaine.
Le regard de Philippe, aussi vide que le réservoir d’une voiture en panne d’essence, croise celui plein d’appréhension de Christelle. Son côté spontané et sans filtres dans des moments comme celui-ci la fait se détendre un peu. Elle lui adresse un discret sourire complice et ouvre la porte.
La voiture de police qui transporte notre duo est arrêtée à un feu rouge. Bishop est au volant car : « Depuis quand Robin conduit-il la Batmobile ? », suivi d’un clin d’œil de garnement fier de sa vanne.
Le silence règne dans l’habitacle, lorsque ses yeux se posent sur la devanture colorée et vintage du café « Le Village ».
« — D’après ce que nous a hurlé Capitaine Flam tout à l’heure, les frères Reise auraient prévu un échange ce soir.
— Ça m’a l’air un peu trop facile, non ? rétorque Medina, le soupçon teintant fortement l’intonation de sa voix.
— J’avoue qu’on aura rarement eu plus providentiel, comme tuyau de source anonyme… »
Le duo cherche à coffrer les frères Reise depuis quelques semaines maintenant. Ces deux Allemands passent leur temps à troquer des objets contre d’autres, sans jamais en tirer profit. Ce genre de cas ne devrait pourtant pas attirer plus l’attention que cela, si ce n’est que certains desdits objets sont bien plus illégaux que d’autres.
Après de nombreux coups d’épée portés dans l’eau, il s’avère qu’une source « anonyme mais fiable » avait donné la date, l’heure et le lieu du prochain échange et que d’après lui celui-ci ferait mieux d’être stoppé.
« — Écoute Chris, ce soir on se pointe sur place, on arrête ces deux tarés en train d’échanger des capsules de Senseo contre une ogive au plutonium, on fait un selfie avec eux, on l’envoie au Capitaine, et tu les emmènes au poste pendant que je rentre m’occuper de Lili, OK ? »
Medina, de son œil surentraîné ne manque pas de remarquer une nouvelle fois le geste systématique de son partenaire à l’évocation de sa fille. Sa main vient vérifier que le bracelet de cuir autour de son poignet droit est toujours présent.
À la vision de ce geste réflexe, Medina se détend. Ce n’est plus le brigadier-chef qui s’adresse à son supérieur, mais Chris qui parle à son ami.
« — C’est toi de garde, cette semaine ?
— Normalement non, mais Laura a dû embarquer d’urgence dans un avion pour Londres pour son boulot…
— Et Mél, elle le prend comment ?
— Plutôt bien pour quelqu’un qui vient d’entrer dans une des familles les plus bordéliques et problématiques de France. »
Philippe esquisse un sourire. Un sourire forcé. Un sourire vide. Chris sait que dans ces cas-là, pour sortir son partenaire de la mélancolie, rien de mieux que de le charrier.
« — En même temps vous m’excuserez Major, mais si vous vous préserviez autant que ce vous préservez votre arme de service, vous n’en seriez pas là. »
Le ton très formel couplé à l’improbabilité de la phrase de Chris fait ouvertement rire Philippe, qui après quelques secondes s’aperçoit n’avoir pas redémarré malgré la réapparition du feu vert.
« — Attention Major, vous allez vous faire klaxonner.
— Qu’ils essaient ! » lâche-t-il en prenant quelques secondes de plus avant de repartir.
L’heure de la transaction est bientôt arrivée, et Bishop et Medina patientent dans leur voiture « civile ». Les thermos de café préparés par le brigadier-chef sont bien entamés, et Philippe sort de temps en temps du véhicule pour « vérifier la présence de potentiels gêneurs dans leur opération à venir », ce qui veut dire dans son jargon « s’en griller une tranquillement ».
Chris, en bon parangon de vertu qu’elle est, ne fume pas. Elle tolère ce défaut (« un parmi tant d’autres », aime-t-elle lui dire d’un ton taquin à l’occasion) de son partenaire, à partir du moment où il ne lui impose pas directement cette odeur qu’elle abhorre.
Philippe fume lorsqu’il est stressé. Et leur opération nocturne du jour le rend particulièrement nerveux, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, Lili. À cause de son boulot, il manque à son devoir de père et il déteste ça.
Et puis ce genre d’enquête apporte chaque fois son lot de risques. Et même s’il s’est lui-même fait à l’idée qu’il met sa vie en danger de manière régulière pour le bien commun, il ne le vit plus aussi bien depuis que sa fille est en âge de comprendre ce qu’il se passe. Il fond intérieurement lorsqu’il croise son regard apeuré au moment où il lui annonce qu’il « rentrera tard ce soir ».
Il espère du plus profond de son âme qu’il finira toujours par rentrer, peu importe l’heure de la nuit, et qu’il ira la border et l’embrasser tendrement sur le front pour lui faire sentir que papa est revenu.
Mais des amis ou connaissances de travail ayant péri en service, il en a connu. Pas autant que des militaires allant au front et subissant les affrontements de plein fouet. Ni même que certaines brigades d’intervention plus musclée envoyées pour faire le sale boulot sur des enquêtes qui le sont encore plus. C’est sûr. Mais quand même. À l’échelle d’un être humain, c’est déjà trop.
Philippe, perdu dans ses pensées, finit sa cigarette. Il sort de sa poche intérieure un cendrier de plage en plastique vert, dans lequel il écrase méthodiquement son mégot incandescent. Ce cendrier, c’est bien évidemment Chris qui le lui a offert. « Pollue ton organisme si tu as envie, mais laisse la nature tranquille ! » lui avait-elle dit lorsqu’elle le lui avait remis, sur un ton quasi sororal.
Il se retourne vers la voiture et la voit jeter un œil dans le rétroviseur pour s’assurer qu’il va bien, puis continuer à scruter avec intensité les alentours.
Christelle Medina, partenaire, amie, demie-sœur, seconde mère, mais brigadier-chef avant tout.
Malgré cette dernière pensée, l’angoisse de Philippe reprend le dessus. Il sort une seconde cigarette de son paquet presque vide, puis extirpe de sa poche intérieure une petite pochette d’allumettes. Un qui ressemble à ceux laissés dans les polars hollywoodiens, sur lesquels on trouve un indice clef ou un lieu de rendez-vous griffonné à la va-vite par un mafieux pas très discret ou une amante elle aussi peu versée dans l’art de la subtilité. Il craque une allumette en surjouant le geste, qu’il rendait exprès grandiloquent pour se moquer de ces films, et qui a fini par devenir un tic contre son gré. Le bout de la cigarette s’illumine et fait l’effet d’un phare dans la nuit. D’un volcan en éruption, plutôt.
Après avoir jeté un œil à la silhouette de la tête de Medina, dépassant à peine du fauteuil de la voiture, il décide de marcher un peu, à la fois pour mieux observer les alentours et pour tenter de calmer ses nerfs à fleur de peau.
Car ce qui stresse aussi Philippe ce soir, c’est le fait de risquer d’avoir à utiliser son arme de service. Non pas qu’il ne sache pas la manier correctement, après tout il a été formé à l’académie comme ses collègues. Ni bon ni mauvais, il ne se révèlerait pas être le fardeau du département en cas de fusillade. Mais il ne peut s’empêcher de se remémorer la fois où, dans ses jeunes années, son arme à feu lui a été subtilisée par un suspect que son ancien partenaire et lui étaient en train d’appréhender. Son coéquipier avait été grièvement blessé et avait dû troquer son boulot de terrain pour un poste de bureau qu’il détestait, mais qu’il accueillait malgré tout à bras ouverts. C’était pour lui une chance d’être encore en vie, et il continuait d’œuvrer pour le bien d’autrui, donc de quoi pouvait-il bien se plaindre ? Philippe pense toujours qu’il aurait toutes les raisons de se plaindre et de lui en vouloir, mais ce n’est pas le cas et il ne le comprend pas.
Tant de positivisme autour de lui le laisse et le laissera éternellement dubitatif.
Bishop se fait sortir de ses pensées par une vibration dans sa poche. Dégagé de sa torpeur, il se rend compte qu’il s’est aventuré plus loin qu’il ne le voulait et a perdu de vue, au détour d’une ruelle, leur véhicule ainsi que le bâtiment qu’ils surveillaient.
« — Merde, faut vraiment que je reste concentré. » dit-il en jetant son mégot qu’il écrase au sol.
Il sort son mobile et voit un SMS de Medina : « Tu fous quoi ? Y a du mouvement ici. »
« Fais chier, je vais me prendre un de ces savons… »
Philippe revient rapidement sur ses pas, mais tout en étant aussi discret que possible. Si réellement l’action a démarré alors qu’il déambulait au mauvais endroit, il ne voudrait pas ruiner leur planque ni l’effet de surprise escompté.
L’arrière de la vieille bagnole qui leur sert lors des planques est bien visible, garée un peu plus loin. Personne en vue dans son périmètre direct, il jette un regard vers le bâtiment surveillé par Medina. Aucune trace des frères Reiser. Aucune trace de personne, d’ailleurs. Même pas un animal errant.
« Ils ont dû entrer pendant que j’étais de l’autre côté », se dit Philippe en s’avançant à pas feutrés en direction du côté passager où Chris devait s’impatienter et pester poliment envers son binôme.
C’est en arrivant au niveau de l’aile arrière que Philippe remarque le téléphone portable de sa collègue au sol, encore allumé.
Son sang ne fait qu’un tour, il oublie instantanément tous les protocoles de sécurité que l’académie et les années d’expérience lui ont appris et se rue à la fenêtre du fauteuil passager.
« — CHRIS, PUTAIN ! »
Medina est bien là. Mais il comprend à ses yeux clos, aux impacts de balle et au sang frais qui en coule qu’elle n’est plus en mesure de surveiller quoi que ce soit. Qu’il vient de perdre un membre de sa famille.
« — Non non non NON NON NON ! »
Plus rien en lui ne fonctionne de manière rationnelle. Il ne voit plus que le sang de sa partenaire, de sa sœur couler.
Il sent son cœur se serrer, son âme se briser.
Il sent un fort coup derrière la nuque.
Il se sent partir.
Il ne sent plus rien.
La suite, c'est ici : S01E04 - Le grand manitou du trafic de capsules Senseo
Comments