Je vais essayer, pour une fois, de ne pas rédiger une introduction à rallonge.
Je ressors mon blog des limbes (même si le dernier post n'est pas si vieux que ça si on mesure le temps grâce à la sacro-sainte échelle de la PSSCB - la Parution Sporadique Sur Ce Blog) afin de vous partager un très court texte commencé il y a de nombreuses années, complété et modifié au gré de l'envie, du temps, de l'ennui.
Et il s'avère que cette semaine, j'ai enfin considéré qu'il était terminé.
Je vous le livre donc ici, avec l'espoir qu'il vous plaise, et que le résultat ne soit pas trop contestable car, vous le verrez très vite, ce texte est bien loin de mes habitudes d'écriture, que ce soit par rapport à ma saison 1 ou aux autres posts de ce blog.
C'est une histoire toute courte, toute douce, et qui je l'espère dessinera sur votre visage un début de sourire à l'approche de ces fêtes de fin d'année.
Prenez votre doudou préféré, votre boisson chaude de confort, recouvrez-vous de votre plaid le plus doux, enfilez votre âme d'enfant si vous l'aviez laissée de côté, et entamez-donc la lecture de ce texte.
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Ah, et si je devais donner un conseil pour la lecture de ce texte, ce serait de le lire lentement, comme un conte, et de marquer réellement les pauses à chaque saut de ligne. "C'est vous qui voyez", comme dirait l'autre.
Be seeing you.
Number 6
C'est l'histoire d'une petite fille pour qui son doudou était comme un frère,
offert lors d'une magnifique journée passée à la fête foraine avec son père.
Ce dernier étant malheureusement souvent absent,
il voulut lui offrir un compagnon qui pourrait veiller sur elle à chaque instant.
Son travail le faisait voyager pendant des semaines, parfois des mois,
laissant sa fille avec sa mère et seulement l'ombre d'un papa.
Un soir, annonçant que sa prochaine absence durerait plus longtemps que les précédentes,
il décela dans le regard de sa fille une tristesse grandissante.
"Prends Monsieur Ours avec toi", lui dit-elle en lui tendant le doudou.
"Y t'protègera pendant qu't'es là-bas, et pis tu penseras à moi" puis chuchota "et en plus il est tout doux."
Le père, bouleversé et ému par l'innocent sourire,
vit toutefois à l'expression de son enfant qu'il n'avait pas son mot à dire.
Il se mit à genoux, prit le doudou et s'enlacèrent tous les trois.
Son visage était couvert de larmes car il savait que cette fois, il ne reviendrait pas.
Les jours passèrent, mais la petite avait l'habitude.
Elle ne laissait pas transparaître sa tristesse, ni dans ses paroles, ni dans son attitude.
Un beau jour arriva une enveloppe à son attention,
provenant d'une improbable destination.
A l'intérieur se trouvait une photo de Monsieur Ours trônant fièrement devant la tour Eiffel,
ainsi qu'une lettre rédigée directement par son doudou, elle était sûre d'elle.
Monsieur Ours y racontait des anecdotes marrantes, mais parlait peu de son père.
"Aucune aventure palpitante, le nez toujours dans les affaires..."
A la fin de la lettre, le père reprit tout de même la parole.
"Je t'aime plus que tout, ma fille. Et sois sage à l'école !"
Le sourire aux lèvres et le cœur empli de joie,
la petite sautillait comme un lièvre, chantonnant au rythme de ses pas.
Les jours passèrent et la vie reprit son cours.
Mais ces jours devinrent des semaines, des mois, des années tour à tour.
Durant tout ce temps, les courriers continuèrent.
Toujours un lieu différent, une photo, un récit de l'Ours, puis quelques mots du père.
Ceux-ci s'espacèrent malgré tout et finirent par être sporadiques.
Monsieur Ours vieillissait à peine, et son père était toujours aussi laconique.
La petite fille maintenant adulte prenait cela comme un marqueur du passage des ans.
Son père n'était plus objet de culte, mais un homme hors de sa vie et de son temps.
Elle ne lui en avait jamais voulu, elle savait comment les "grands" étaient.
Elle en était devenue une, et ne savait pas ce que la vie lui réserverait.
Un jour, alors que la nostalgie s'était imposée, elle relut toutes les correspondances.
Elle les avait toutes gardées, les aventures de Monsieur Ours avaient rythmé son enfance.
C'est ainsi qu'elle remarqua que les dernières reçues provenaient toutes du même endroit.
Ce détail, elle ne l'avait jamais remarqué, elle n'en revenait pas !
Sa tête et son cœur se mirent d'accord,
et dirent à l'unisson bien haut et bien fort :
"Rendons visite à Monsieur Ours tout de suite,
avec un peu de chance, c'est toujours avec mon père qu'il habite !"
Beaucoup de sentiments se mélangèrent en elle durant le trajet.
Elle ne savait pas ce qu'elle allait pouvoir dire, ni même ce qu'elle espérait y trouver.
Arrivée à la fameuse adresse,
elle eut énormément de mal à contenir sa détresse.
Son cœur battait à tout rompre,
son âme d'enfant était instantanément sortie de l'ombre.
Elle hésita longuement puis finit par sonner à la porte.
Elle entendait dans sa tête Monsieur Ours lui disant d'être forte.
La porte s'ouvrit et elle fut accueillie par un jeune homme au sourire sincère.
Il ne ressemblait en rien à Monsieur Ours, et encore moins à son père.
"Bonjour, pardonnez-moi de vous déranger, dit-elle timidement.
Je cherche un our... un homme qui m'a quitté lorsque j'étais encore enfant.
Ses dernières lettres proviennent toutes de cette adresse,
je suis donc venue en quête de retrouvailles..." finit-elle avec maladresse.
Elle tendit les lettres au jeune homme qui parcourut les enveloppes avec attention.
"Bien sûr, il doit s'agir de Monsieur K., celui qui habitait précédemment cette maison."
A ces mots, elle comprit tout de suite ce qui était arrivé à son géniteur.
"Il est malheureusement décédé il y a quelques années, j'en ai peur..."
Les larmes naquirent de ses yeux et coulèrent sur ses joues.
Mais la tristesse s'atténua car une inconnue subsistait malgré tout.
"Mais alors qui a bien pu m'envoyer ces dernières lettres ?
Je ne suis pas folle, je les ai tellement relues que je les connais de tête !"
C'est alors qu'un grondement digne d'un tremblement de terre se fit entendre dans la maison,
et qu'une petite fille sauta les dernières marches de l'escalier pour atterrir près du salon.
Avec, bien serré dans ses bras, elle en était certaine,
Monsieur Ours, ses poils courts et sa douce bedaine.
Elle s'arrêta net et demanda :"C'est qui la dame ? Pourquoi elle pleure ?"
Elle s'approcha d'un pas nonchalant, une forte résolution plein le cœur.
"Moi, quand ça va pas, j'lui fais un câlin.
Là ça va, mais on dirait qu'toi, t'as un gros chagrin."
Elle lui tendit alors Monsieur Ours qui avait finalement autant vieilli qu'elle,
son pelage était plus clairsemé et ses poils restants étaient pêle-mêle.
Et au moment où elle s'approcha comme elle le faisait étant enfant,
elle sentit un geste à la fois doux et lent.
Monsieur Ours lui rendait son étreinte,
et raviva en elle une flamme depuis trop longtemps éteinte.
Ses larmes n'étaient alors plus de même nature,
cet ultime câlin venait combler de nombreuses fêlures.
Sur le trajet du retour, elle s'arrêta faire une pause.
Toutes ces émotions l'avaient malgré tout rendue morose.
En bordure de route, toujours dans sa voiture,
elle sortit toutes les lettres qui racontaient leurs aventures.
Elle les relit une à une, les voyant sous un angle nouveau,
et ressentit une présence ténue contre son dos.
La main de son père sur une épaule, la patte de Monsieur Ours sur l'autre,
un contact léger pour que point elle ne sursaute.
Elle sait à présent que jamais ils ne la quitteront,
Au travers des jours, des mois, des saisons.
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