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150$ les 30 minutes

Je vous vois venir bande de coquinous, mais ce n’est pas ce que vous pensez. Ce n’est pas le tarif d’une professionnelle de la flute à bec (merci à toi, Déesse de la Subtilité et du Bon Goût) ! On va parler ici d'une série que je regarde en ce moment intitulée « In Treatment ».


C'est une série malheureusement arrêtée depuis quelques temps déjà. Comme mes chers lecteurs anglophones ont pu le comprendre à la lecture du titre, cette série parle du quotidien du Dr. Paul Weston, psychanalyste réputé dans son milieu interprété par Gabriel Byrne (Usual Suspects – Ennemi d’état), et de ses principaux patients. Rien de bien palpitant, me direz-vous. Et c’est là que vous avez tort, car cette série possède un rythme bien à part, et à plusieurs niveaux (ATTENTION : amateurs d’action effrénée, passez votre chemin).


"Then, you'd better tell me the long version..." - Dr. Paul Weston

Premièrement, c’est au niveau de la diffusion des épisodes qu’il faut se pencher. A l’instar des soaps opéra du genre Dallas ou autres sitcoms encore plus vieilles que Moïse, le rythme de diffusion était d’un épisode par jour, hormis samedi et dimanche (une semaine « ouvrée » comme on appelle ça dans l’jargon). Ce qui nous donne un total de trois saisons d’environ une cinquantaine d’épisodes de 30 minutes chacun. De quoi développer des situations et des personnages comme cela a rarement déjà été fait.


La seconde particularité, c’est qu’à chaque jour de diffusion, nous suivions un patient différent (donc 5 patients par saison) à chaque étape de leur thérapie. Pour dire ça de manière plus explicite, tous les lundis nous retrouvions Laura et ses problèmes d’engagement, mardi c’était au tour d’Alex et sa culpabilité non-assumée, etc…

Chaque épisode se déroule en huis-clos dans l’enceinte du cabinet du thérapeute, et seuls les échanges verbaux viennent remplir ces trente minutes de thérapie. Ceci permet d’autant plus aux scénaristes d’étoffer leurs personnages, patients comme thérapeute, de les peaufiner et de les nuancer et ce jusque dans les plus petits recoins de leur âme.


"I don't want you to adopt me, I want you to fuck me." - Laura Hill

La cerise sur le gâteau, ou « le pompon sur la pomponette » comme dirait l’autre, réside dans la particularité du 5ème jour, le vendredi. Car Paul, tout thérapeute qu’il est, n’en est pas moins un Homme. Et en plus de son travail, déjà éprouvant psychologiquement malgré l’habitude et les années d’expérience, Paul a lui aussi des problèmes personnels qui impactent négativement le déroulement de sa vie. Et c’est ainsi que le vendredi, les rôles changent, et c’est au tour de Paul d’être analysé par son ancien mentor le Dr. Gina Toll, dont le rôle est tenu par Madame Dianne Wiest (Edward aux mains d’argent – Sam je suis Sam). C’est avec le même sens de la déduction et d’analyse que le sien que le karma de Paul est passé au peigne fin, mettant en exergue tout ce qui, de par la nature de son métier, se doit d’être refoulé ou mis de côté en temps normal.

Ajoutez à cela un soupçon de rancœur entre les deux thérapeutes à cause d’une histoire vieille de 20 ans qui s’est mal terminée, et vous obtenez une séance durant laquelle les deux personnages passent du rire aux larmes, de la haine à la compassion aussi rapidement et brutalement qu’on zapperait une chanson qu’on n’aime pas.


"Easier to see patterns when they're not ours." - Gina Toll

Ce qui me fait adorer cette série, en plus de la profondeur des personnages, c’est le fait de penser pouvoir se mettre à la place du thérapeute, tout en ayant le privilège de ne pas avoir à se soumettre à son sens de l’éthique grâce à notre statut de simple téléspectateur. On passe tout l’épisode à se dire des trucs du genre : « Non mais sérieusement, comment fait-il à se retenir de dire ça ?! C’est évident que le personnage s’en veut, mais c’est juste un sale macho qui ne veut pas se l’avouer ! C’est quand même évident ! Je n’aurais jamais fait la même chose ! ».


Mais en fait, avec un certain recul, on s’aperçoit que non seulement il y a souvent une cause plus profonde que ce que l’élément déclencheur ne laisse paraître, mais qu’aussi nous sommes tous comme ces patients que l’on se plait à ouvertement critiquer. Nous avons tous des problèmes sous-jacents, mal-gérés voire complètement refoulés, qui s’expriment de la moins bonne des manières possibles (et souvent au plus mauvais moment d’ailleurs). Et voir les patients se faire mettre au pied du mur nous fait quelque part, et dans une moindre mesure, réfléchir à nos propres problèmes.



Je ne dis pas être rentré en pleine crise de remise en question suite au visionnage d’un épisode (« Pour quoi faire, je suis parfait de toute façon… Bon, ça arrive ce chocolat ? J’en ai marre d’entendre l’autre brailler dans mon crâne ! »). Mais ça a le mérite de nous faire analyser nos propres réactions si l’on se retrouvait dans les mêmes situations que les personnages. Et les résultats sont parfois surprenants !


«  - Parce que bon, l’autre jour quand même, j’étais en train de parler à Number 23, et elle m’a regardé avec un air dédaigneux quand j’ai commencé à lui parler de ma passion pour les photographies de petits animaux morts sur fond rouge sang en teinte sépia, et bon, je l’ai quand même vachement mal pris, alors je lui ai pris la main, et j’ai voulu…

- La séance est terminée, Monsieur. »

Be seeing you.

Number 6

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